Pour bien démarrer la nouvelle année, rien de mieux qu'une petite virée à Groningen. Comme tous les ans à la même époque, la cité hollandaise accueillait la semaine dernière le festival Eurosonic/Noorderslag: quatre jours de conférences et de concerts avec à l'affiche plus de trois cents artistes émergents, dont un tiers originaire des Pays-Bas et le reste venu des différents pays européens. Les trois premiers jours rassemblent des artistes de tous les pays et les concerts ont lieu dans une multitude de salles du centre ville: cafés, bars, clubs, salles de concert, théâtres, cinémas, centre culturels et même à présent le Musée d'Art Moderne. Il y a aussi un "Village" avec plusieurs chapiteaux, la billetterie et de la restauration. Le samedi est réservé aux artistes néerlandais et tout le monde se retrouve dans une ambiance de fête brueghelienne très débridée - et très arrosée ! -à l'Oosterpoort, un énorme complexe multi-salles qui abrite aussi les conférences. Les succès croissant qu'a connu le festival ces dernières années l'a fait passer en quelques éditions de 15.000 à... 35.000 spectateurs ! ! Le côté convivial en a pris un coup, mais avec un minimum de préparation et d'organisation Eurosonic/Noorderslag reste néanmoins une excellente adresse pour découvrir les nouveaux talents européens.
(Eurosonic 2013: Le Village. Photo: rockomondo)
Dés le mercredi 18h00, petite mise en bouche à l'Energy Stage qui reçoit la scène locale pour des concerts gratuits. Avery Plains est un groupe de Groningen qui balance un rock tendance seventies, classique mais bien envoyé. On peut les qualifier sans mentir de "guitar-band" avec pas moins de cinq de ces instruments qui jouent simultanément. Et c'est également l'occasion de profiter pour la première fois d'un ingrédient un peu oublié ces derniers temps et qui opére un retour en force dans le festival: le solo de guitare ! Dommage que le volume sonore soit aussi élevé. Il est impossible de rester plus de quelques minutes. Au-delà, on met réellement ses oreilles en danger, ce qui serait quand même dommage pour la suite des festivités.
(Eurosonic 2013: Avery Plains @ Energy Stage, 09-01-13. Photo: rockomondo)
A 20h, direction De Spieghel, un petit bar où, hors festival, on écoute habituellement du jazz et du blues. Il n'y a pas loin à aller: ma piaule est dans leur arrière-cour ! Au programme, Temples, un duo londonien auteur pour l'instant d'un unique single récemment sorti chez Heavenly. En fait, Temples sont quatre sur scène avec un batteur sosie de Bobbie Gillespie époque J&MC et un chanteur slim-size en petit haut pailleté, physiquement à mi-chemin entre Marc Bolan et Syd Barrett. Alors que je ne les ai jamais entendues, les chansons pop de Temples accrochent immédiatement l'oreille avec leur son clair et affûté, joliment coloré d'une petite touche psychédélique. On pense souvent à une déclinaison moderne des Beatles période "Revolver", ce qui n'est pas la plus mauvaise des références. On entendra sans doute parler de leur album prévu cette année.
(Eurosonic 2013: Temples @ De Spieghel main, 09-01-13. Photo: rockomondo)
Dés le concert de Temples terminé, il suffit de monter d'un étage pour accéder à la seconde salle de De Spieghel, moins grande et où ont lieu des concerts plus intimistes. C'est là que se produisent les islandaises de Pascal Pinon, un drôle de nom qui était à l'origine celui d'un mexicain présenté au début du 20e siècle comme "L'homme à deux têtes". Fait d'un délicat mais volatil électro-folk, le dernier album de Pascal Pinon sorti l'année dernière ne m'avait qu'à moitié convaincu. Mais sur scène, la magie opère. Avec leur look néo-baba (robes médiévales, gilets tricotés multicolores et Doc Martens), les deux frangines et leurs copine parviennent a installer une atmosphère à la fois chaleureuse et recueillie. Portées par des voix fraîches et sans affectation, leurs mélodies pointillistes dispensent une atmosphère apaisante. Et l'on s'amuse de petits détails, comme le Walkman Sony vintage sur lequel sont enregistrées les parties électroniques des morceaux, ou encore ce petit carnet à fleurs mystérieux que les filles consultent invariablement entre chaque morceau.
(Eurosonic 2013: Pascal Pinon @ De Spieghel up, 09-01-13. Photo: rockomondo)
Retour au rez-de-chaussée pour les grecs de Baby Guru. Le groupe a déjà sorti deux albums bien accueillis d'un rock hypnotique et expérimental inspiré paraît-il par le Krautrock. Sur scène, pourtant, le trio peine à convaincre. Les morceaux se terminent abruptement sans qu'on ait pu réellement y entrer et sont bien trop courts pour susciter la transe escomptée. Si la section rythmique assure sans faillir, les claviers sont sous-employés et le chanteur inutilement énervé. Le tout laisse la sensation d'un concert frustrant, car on devine dans la musique de Baby Guru quantité d'éléments intéressants mais trop mal exploités pour réellement retenir l'attention.
(Eurosonic 2013: Baby Guru @ De Spieghel main, 09-01-13. Photo: Sander Baks)
Dès les dernières notes de Baby Guru, ce sont les franco-finnois Eva & Manu qui prennent le relais à l'étage du dessus. Une écoute du morceau présenté sur le site du festival m'avait fait penser qu'il pourrait s'agir d'une bonne affaire. Mais leur plaisante pop-folk manque trop de personnalité pour susciter plus qu'un intérêt poli. Et ce n'est pas leur reprise convenue des Black Keys qui y change quelque chose. Pour être tout à fait honnête, si on les voyait dans un autre cadre, celui d'une soirée cabare par exemple, on passerait sans doute un excellent moment. Mais on attend d'Eurosonic un peu plus que cela. Au passage on aura quand même appris à commander une bière en finnois. Phonétiquement, ça se dit: "Oïsko bissi mittaa".
(Eurosonic 2013: Eva & Manu @ De Spieghel up, 09-01-13. photo: rockomondo)
On traverse une rue dans les effluves des koffie-shops et on se retrouve à Vera, la principale salle rock de la ville. C'est là que joue un autre groupe finlandais habitué de Rockomondo (l'émission), French Films. Après un EP et un épatant album ("Imaginary Future"), j'étais très impatient de voir ces cinq garçons dont j'avais loupé le passage au même endroit l'année dernière. Avec leur petite teigne de guitariste en T-shirt Doors et blouson de cuir rouge, leur chanteur blond surexcité et un discret organiste coiffé façon Bruce Joyner, French Films n'invente rien mais balance toutes Tokai dehors un réjouissant indie-rock à mi-chemin entre The Wedding Present et le Cure des débuts. Les musiciens sont à fond en permanence et on ne s'ennuie pas une seconde. La confirmation en somme de ce que promettait l'album.
(Eurosonic 2013: French Films @ Vera, 09-01-13. Photo: rockomondo)
0h30: Après un court arrêt fricandelle au distributeur du coin, arrivée au Grand Théâtre pour les suédois de Movits!. Si on m'avait dit que je m'enflammerais un jour pour un groupe hip-hop/jazzy rappant en Suédois, je n'aurais sans doute jamais voulu le croire. Mais Movits! fait tomber tous mes préjugés. Je me rappelais des vidéos électrisantes découvertes sur YouTube, mais ce à quoi j'assiste sur la scène du Grand Théatre est encore meilleur ! Il faut dire qu'entre temps la formation a changé. Il y a toujours en figure de proue le blond et barbu Johan Rensfeldt aux vocaux, un saxophoniste ainsi qu'un MC responsable de l'électronique et des percussions. Mais le contrebassiste est parti pour laisser sa place à un joueur de trombone, et ce petit détail change tout. Car outre le fait qu'il booste sensiblement le son du groupe, il autorise aussi entre le saxophoniste et le tromboniste d'ébouriffantes chorégraphies synchronisées qui transforment le concert de Movits! en show irrésistible. Dès que les musiciens bondissent sur scène en noeuds paps et complets noirs, on sait que la partie est gagnée. Johan Renfeldt maîtrise sans aucun répit son flow fiévreux tandis que derrière ses deux acolytes soufflent et dansent comme des Famous Flames sous amphés ! On se demande d'ailleurs comment il est humainement possible de jouer aussi bien en bougeant autant ! Au second morceau, noeuds paps et costards finissent dans un coin de la scène. L'énergie, elle, est toujours là: le groupe restera au taquet pendant tout le set jusqu'à un final mémorable au milieu du public. Malheureusement, il n'existe pas encore de vidéo de Movits! avec cette formation et ce spectacle. Mais il est probable que les programmateurs ne laisseront pas passer cette bonne affaire pour les festivals d'été. On surveillera ça de près.
(Eurosonic 2013: Movits! @ Grand Theatre main, 09-01-13. Photo: Sander Baks)