J'avais vu I Got You On Tape pour la première fois au festival Spot en 2005, alors que je ne connaissais encore rien d'eux. Je les avais retrouvés l'année suivante à la Flèche d'Or à Paris, et j'étais très impatient de les revoir en 2012 à Eurosonic, histoire de vérifier comment le groupe avait évolué après huit ans d'existence et quatre albums (Dernier en date: "Church of the real" l'année dernière).
Coup de chance, le festival leur avait attribué la belle salle lambrissée de l'école de musique (Muziekschool) dont les panneaux ouverts derrière la scène découvraient l'orgue majestueux. Décor grandiose, acoustique irréprochable, éclairage soigné (le show était filmé pour la WDR), tout était réuni pour que ce concert soit une réussite.
Figure principale du groupe au chant et aux claviers, l'impassible Jacob Bellens a toujours l'air d'un hibou ébloui et son jeu de scène se résume à quelques cillements. Ce n'est évidemment pas là qu'il faut chercher son - réel - charisme, mais plutôt dans le mystère de sa voix qui captive et envoûte, une voix légèrement étranglée, imperceptiblement voilée, dont l'absence totale d'effet est inversement proportionnel à l'émotion qu'elle suscite.
Derrière, les trois autres musiciens - venus du jazz pour certains et aussi peu démonstratifs que leur chanteur - tissent un hypnotique canevas d'accords mineurs, une trame de mélodies douces-amères posées sur lit de rythmes médiums. La couleur d'ensemble évoque le début des années '80 (The Church, Magazine, The Chameleons, The Passions) mais les arpèges délicats des premiers albums ont disparu pour laisser place à un son plus affirmé où les synthétiseurs occupent un large espace. Et le groupe prend le risque de surprendre en incorporant à ses morceaux les plus récents des guitares funky et même... des rythmes disco ! Pas d'équivoque cependant: I Got You On Tape ne sera jamais Mika ou les Scissors Sisters. Si l'on danse ici, c'est au bord du précipice. L'apport d'éléments festifs vient même, paradoxalement, souligner le caractère irrémédiablement mélancolique de leur musique, comme ces bacchanales désespérées qui précédaient autrefois les grandes catastrophes. Basé principalement sur le répertoire des deux derniers albums, l'irréprochable concert d'Eurosonic aura confirmé avec panache la force insidieuse et le pouvoir d'envoûtement de ces outsiders trop discrets.
I Got You On Tape @ Eurosonic, extrait du concert filmé pour "Rockpalast"
I Got You On Tape: "Church of the real"