Avez-vous déjà connu la sensation déprimante d'être devenu d'un seul coup très vieux ? Si la réponse est non, c'est que vous ne vous êtes jamais trouvé au premier rang d'un concert de rock au Danemark. Cela se passait vendredi dernier, et j'étais donc là, coincé entre un punk à crête d'environ onze ans et demie et un futur canon scandinave à peine plus agé, à méditer sur ma triste condition d'erreur de casting, quand Powersolo est entré sur scène. Bien que le trio soit venu souvent jouer en France depuis la parution de leur premier album, je n'avais encore jamais trouvé l'occasion de les voir sur scène. Et finalement ce n'était pas plus mal: cela me permettait de les découvrir ici "dans leur jus", devant cet incroyable public teenager, exactement le même qui chez nous (mais sans les crêtes) s'enflamme pour la Star Ac'. Différence de culture, que voulez-vous... Dés les premiers accords, une houle irrépressible agite le devant de la scène, et il ne faut pas plus de quelques minutes pour que d'audacieux risque-tout commencent à me passer par dessus la tête. Il faut dire que Powersolo est particulièrement en verve ce soir. Visuellement le groupe est impeccable, avec au premier plan les deux frangins Jeppersen taillés comme des ablettes dans leurs chemises sombres. A l'arrière, le batteur slacker au look J. Mascis coiffé de son inamovible casquette de plouc américain. Et puis le petit nouveau à l'orgue. Bien choisi celui-là. Il fallait trouver quelqu'un qui soit au diapason de la folie des trois autres: il est pire, agité de gesticulations incontrôlables et secouant son instrument comme si cela pouvait aider les notes à en sortir.
Le groupe va délivrer ainsi pied au plancher la quasi intégralité de son enthousiasmant troisième album "Egg". Tout y passe: bouffonneries à la Screamin' Jay Hawkins ("Think about it"), hymnes garage pour futures compiles "Nuggets" ("Knucklehead"), rhythm n' blues revisité façon mods ("Action"), rockabilly monté en mayonnaise ("Rocket 8"), imparables tubes en français ( "Dans les rues de Paris": Les Fleshtones rencontrent Bijou devant un bocal d'amphés), country millésimée ("Mr. Marsman") avec la chanteuse Dorthe Gerlach (Hush) en invitée surprise, et des choses bien plus bizarres encore ("Plasma Crystal Dope": improbable collision entre Redbone et Urban Dance Squad). Le groupe et le public se renvoient mutuellement leur énergie et à la fin tout part en vrille, Kim Kix avale son micro et ne s'exprime plus que par borborygmes, Atomic Child déjante avec élégance - on n'est pas chez des rustres - et JC Benz derrière ses fûts arbore un sourire béat. On appelle ça du rock n'roll. Ca fait vingt-cinq ans qu'on nous annonce sa mort....
Ecoutez Powersolo.
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