Le concert de Rhonda Harris m'a obligé à faire des choix déchirants. Celui par exemple de ne pas revoir Oh No Ono dont j'avais adoré le concert à Eurosonic en début d'année. Pire, j'ai du également zapper le passage de Lily Electric, jeune groupe très prometteur que je m'étais pourtant promis de ne pas manquer. Fatigué par la route de la veille et de l'avant-veille, je décide que pour une première journée, c'est déjà pas mal. Tant pis pour les groupes qui passent après: les Racetrack Babies dont j'irai voir quand même une paire de morceaux, le second set de Marybell Katastrophy, les suédois Deltahead, ou encore Duné, que j'aurais volontiers revu pour une troisième fois.
Le lendemain, début des festivités en tout début d'après-midi au Ridehuset avec Murder, l'autre groupe de Jacob Bellens, le chanteur de I Got You On Tape. C'est avec ces derniers que je l'avais découvert ici-même l'année dernière. Je ne connaissais rien d'eux mais j'avais été instantanément accroché par cette musique toute en accords mineurs et surtout par cette voix, sans doute l'une des plus émouvantes qu'on puisse écouter en ce moment. Depuis, leur premier album n'a pas cessé d'habiter mon lecteur CD, j'ai revu le groupe à Paris avec encore plus de plaisir que la première fois (à présent je connaissais leurs chansons), et j'ai donc été très heureux lorsque Bellens, associé au guitariste Anders Mathiasen, a sorti un nouveau disque sous le nom de Murder. Pour qui aime déjà I Got You On Tape, pas de révolution, on reste en terrain connu. En fait, Murder pourrait facilement passer pour une version acoustique d'I Got You On Tape: on y retrouve la même mélancolie prégnante, les mêmes tempos lents ou moyens et bien sûr la voix si caractéristique de Jacob Bellens qui, pour reprendre un vieux cliché, pourrait chanter l'annuaire du téléphone et le rendre bouleversant. Seul le répertoire m'avait semblé sensiblement plus inégal chez Murder en dépit de quelques morceaux hors-étoiles (le superbe "Daughters of heavy", "When the bees are sleeping", "No future", "Queen of calm").
Sur scène, ces quelques réserves s'effacent instantanément. Augmenté d'invités parmi lesquels on repère quelques têtes connues (le violoncelliste d'Under Byen, le guitariste de Lampshade...) Murder se présente comme un vrai groupe, ses cinq musiciens sagement assis en arc de cercle (à l'exception évidente du contrebassiste, debout au milieu). Jacob Bellens arbore toujours son air de hibou mal réveillé, mais dés qu'il commence à chanter, la magie opère de nouveau: le peu intime Ridehuset se transforme alors en nef d'église, les projecteurs en mille flammes de bougies, et malgré la foule déjà nombreuse qui se presse devant la scène, un silence impressionnant se fait aussitôt parmi les spectateurs. Il ne cessera qu'après le tout dernier morceau pour se transformer alors en une ovation comme il y en aura peu lors de ce festival. Avec ce concert immobile - programmé qui plus est à un horaire plutôt ingrat - Murder, par la seule force de sa musique, à réussi l'exploit de faire croire à chaque spectateur qu'il était le seul à qui étaient destiné ces chansons, que le groupe ne jouait que pour lui. Il serait très étonnant qu'on réentende pas parler de ces garçons d'ici peu.
MURDER : "Daughters of heavy" (extrait de Stockholm syndrome, 2007)
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