Le dernier jour, ce n'est plus Eurosonic, c'est Noorderslag, la soirée consacrée aux groupes néerlandais. Pour l'occasion, les règles du jeu changent: fini les concerts dans les différentes salles de la ville, tout se passe à l'Oosterpoort, un palais des congrés où se retrouve tout le monde, les professionnels comme le public, très nombreux et très varié pour cette soirée qui fait office de sortie du samedi soir. A l'intérieur, c'est indescriptible, une foule immense qui se déplace en tout sens dans un chaos total et un bruit assourdissant. La bière coule à flot, dans les gosiers mais aussi sur le sol où elle se transforme en pellicule gluante. Cette année, histoire d'éviter aux spectateurs l'effort de se rendre aux bars, on a même envoyé dans le public des serveurs de bière ambulants munis d'un réservoir sur le dos. Avec un zèle certain ils remplissent à l'aide d'une petite pipette tous les verres qui passent à leur portée. Au bout de quelques heures, plus personne ne marche droit et la fête prend des allures de bacchanales bruegheliennes. Et pourtant, au milieu de cette folie, on arrive à trouver son compte en matière de musique. Il y a huit salle à l'Oosterpoort, de grandeur et de confort variable. Le public arrive en général au dernier moment pour les concerts. En prévoyant donc une avance d'une dizaine de minutes, on peut accéder sans problème aux salles et même espérer se trouver une place près de la scène... lorsqu'il y en a une, ce qui n'est pas le cas de la "Marathon zaal" où se produisent en début de soirée Wooden Saints.
J'avais acheté la veille le premier album de ce collectif d'Amsterdam à la belle sensibilité pop et j'étais très impatient de les découvrir sur scène. Un capharnaüm invraisemblable d'instruments vintage - parmi lesquels pas moins de 12 guitares ! - occupe l'espace format timbre-poste qui leur est réservé et on est assez admiratif d'y voir s'installer (presque) facilement les dix membres du groupe et les cinq bonsaïs qui leur servent de mascottes. Malgré leur jeunesse, les musiciens de Wooden Saints ont assimilé comme si de rien n'était cinquante ans de pop-music. Ils en livrent une synthèse élégante et hyper-mélodique où l'on entend les Beatles, bien sûr, mais également Crowded House, Elliott Smith ou Jon Brion: le haut du panier en la matière. Pour faire bonne mesure, on y trouve aussi une discrète touche soul, apportée par la seule fille de la bande, la chanteuse Tessa Douwstra. Tout autour, les musiciens s'échangent leurs instruments. L'un des batteurs (ils sont deux) devient chanteur. Celui qui l'était avant lui s'en va aux claviers. Le son est plein et riche mais jamais envahissant, porté par une guitare harrisonienne, la couleur nostalgique des orgues Hammond et Farfisa, et le souffle chaud du trombone. Et lorsque sept des musiciens se mettent à chanter en choeur, la minuscule scène semble sur le point de décoller vers les étoiles. Au départ un simple défi musical entre Arjen de Bock (Gem, The Black Atlantic) et Viktor van Woundenberg (Bettie Serveert) consistant à écrire une chanson commune chaque semaine, Wooden Saints est devenu un modèle de super-groupe, quel que soit le sens qu'on veuille donner à cette expression. On ne peut que se réjouir: leur second album est déjà en préparation.
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